Imèn Moussa (Tunisia/France) was born in the city of Bizerte in Tunisia on October 6, 1987. After studying literature, language and French civilization at the Higher Institute of Languages of Tunis, she moved to Paris where she focuses her research work on the situation of women in the contemporary Maghreb and engages in associations to help refugees and asylum seekers.

 

English

 

 

French


THE DEATH OF A HAPPY WOMAN

 

 

At the time when your Nakba1 is worn between the folds of your sex,

Your story is that of a doll, trapped in the nets of an unloved hunter.

At a time when my sisters are still climbing out the window not to marry their captors,

Your story is that of a mermaid,

Bitten on the foot by a hungry devil.

 

ӿ ӿ ӿ ӿ ӿ ӿ

 

Open the matchbox,

You'll see that things aren't so well done.

But you, you, you, you were born as a woman, you don't have to justify yourself,

You were born as a woman and from now on none of your days will be the same as your other days.

 

ӿ ӿ ӿ ӿ ӿ ӿ

 

You will grow up, happiness you will peel it,

You will get married and have many children.

 

ӿ ӿ ӿ ӿ ӿ ӿ

 

For the rest, don't forget it,

Pack your skin, it's the law.

And if you want to tune your steps to the sound of your voice,

All you have to do is to grasp Fatma's hand.

 

 

 

1 Word in Arabic literally meaning "disaster" but used here according to the Tunisian dialect where the word "Nakba" means "an irreversible misfortune".

 

EXCEPT I DIDN'T HAVE A WINDOW.

 

[At first it was like the sting of the storm, then like the modesty of the stone and finally like the night that fell on his eyes...] .

 

When a man is in pain, his memories are a mess,

When a woman is in pain, her roads are a fire.

No one holds nobility on a battlefield,

When everyone is down,

The smoke tarnishes the swords and darkens the wounds.

In the dark night a mouth looks for a greedy breast,

Sew on the skin an idyll in bloom ,

As light as time,

As heavy as the figs of words,

As ugly as a scar on a child's knee,

As beautiful as a mountain in the arms of a lake.

The rose, full of storms, teaches a dance to the links that unchain its stem:

Not being ashamed of your pain is the first step,

Taming your pain is the second step,

Drinking his pain to the point of overflowing is the most capricious of steps.

There is no life that remains intact,

There is no death that promises to be perfect,

Often joy is built on the surface of life,

But to engage in the pain of happiness you have to leave on a journey…

 

[At the end it was like a forgotten address, then like a weakened mourning and finally like the reflection that was lost on the dock of the years].

 

 

 LA MORT D'UNE JOYEUSE

 

Au temps où ta Nakba1 se porte entre les plis de ton sexe,

Ton histoire est celle d’une poupée, Piégée dans les filets d’un chasseur mal aimé.

Au temps où mes sœurs enjambent encore la fenêtre pour ne pas épouser leurs ravisseurs,

Ton histoire est celle d’une sirène,

Mordue au pied par un diable affamé.

 

ӿ ӿ ӿ ӿ ӿ ӿ

 

Ouvre la boite d’allumettes,

Tu verras que les choses ne sont pas si bien faites.

Mais toi, Toi, Tu es née femme, tu n’as pas à te justifier,

Tu es née femme et désormais aucun de tes jours ne sera semblable à tes autres jours.

 

ӿ ӿ ӿ ӿ ӿ ӿ

 

Tu grandiras, du bonheur tu en éplucheras,

Tu te marieras et tu auras beaucoup d’enfants.

 

ӿ ӿ ӿ ӿ ӿ ӿ

 

Pour le reste, ne l’oublie pas,

Range ta peau, c’est la loi.

Et si tu veux accorder tes pas au son de ta voix,

Tu n’auras qu’à t’accrocher à la main de Fatma

 

1 Mot en langue arabe signifiant littéralement « la catastrophe » mais employé ici selon le dialecte tunisien où le mot « Nakba » signifie « un malheur irréversible ».

 

 

 

 SAUF QUE MOI JE N'AVAIS PAS DE FENÊTRE

 

[Au début c'était comme la piqûre de l'orage, puis comme la pudeur de la pierre et enfin comme la nuit qui s'est abattue sur ses yeux...] . . .

Quand un homme a de la peine, ses souvenirs sont une loque,

Quand une femme a de la peine ses routes sont un incendie.

Personne ne détient la noblesse sur un champ de bataille,

Quand tout le monde est à terre,

La fumée ternit les épées et assombrit les blessures.

Dans la nuit noire une bouche cherche un sein gourmand,

Coudre sur la peau une idylle en fleurs,

Aussi légère que le temps,

Aussi lourde que les figues des mots,

Aussi laide qu'une cicatrice sur le genou d'une enfant,

Aussi belle qu'une montagne entre les bras d'un lac.

La rose gorgée d'orages apprend une danse aux maillons qui enchaînent sa tige :

Ne pas avoir honte de sa peine est le premier des pas,

Apprivoiser sa peine est le second des pas,

Boire sa peine jusqu'à en déborder est le plus capricieux des pas.

Il n'y a aucune vie qui demeure intacte,

Il n'y a aucune mort qui s'annonce parfaite,

Souvent la joie se construit à la surface de la vie,

Mais pour s'engager dans la douleur du bonheur il faut partir en voyage. . .

[À la fin c'était comme une adresse oubliée, puis comme un deuil fragilisé et enfin comme le reflet qui s'est perdu sur le quai des années].